Pratiques
Les grandes étapes de fabrication d'une canne à mouche (2)
Le tierçage et numérotage des baguettes
Cette étape devrait être préliminaire à toute tentative de réalisation de cannes en bambou refendu, car sa préparation conditionne le choix des troncs de bambou qui vont donner les baguettes nécessaires.Dès le début, l'examen commence avec les troncs de bambou.Il faut sélectionner celui ou ceux qui présentent le bon espacement des noeuds, une densité de fibres suffisante et une bonne qualité d'écorce et de séchage.
Voyons
comment est faite une canne en bambou refendu :
elle se compose de deux éléments ( appellés aussi blank
par les gallo-ricains) : le scion et le talon de diamètre et épaisseur
respectivement différent.
Si le bambou n'avait pas de noeuds qui, rappellons le, n'ont pas les mêmes
caractéristiques dynamiques que les fibre longitudinales du bambou, ce
serait parfait, on pourrait tirer les 12 baguettes nécessaires du même
tronc. Mais ils sont là et il faut, soit les éliminer, ce qui
serait très difficillement réalisable (voir à ce sujet
la partie admirable du livre de Garrison), soit composer avec et les décaler
les uns par rapport aux autres afin qu'ils soient régulièrement
répartis et ne se trouvent pas au même niveau une fois l'élement
collé: c'est le tierçage.Il se pratique par 1, 2, ou 3 baguettes
à la fois.
La technique de décalage la plus utilisée est de grouper les noeuds
par 3 en ne décalant qu'une baguette sur deux. Trois baguettes auront
les noeuds au même niveau, puis les trois autres à un niveau différent
en faisant en sorte que les baguettes soient alternées.Un bon tierçage
est obtenu lorsque les alternances de noeuds se trouvent à peu près
à égales distances les unes des autres.
On peut opérer soit par retournement des baguettes, soit par appairage
avec un autre tronc. Dans le cas du retournement, l'important est de veiller
à avoir une densité de fibres assez importante pour que les baguettes
puissent indifféremment servir pour le scion ou pour le talon. Dans tous
les cas il faut prendre garde à avoir des baguettes assez longues afin
de pouvoir les décaler pour mieux équilibrer les alternances et
pouvoir couper ce qui dépasse.Bien sur le mieux serait que les baguettes
proviennent toutes du même tronc, mais pour ne pas gâcher la matière
première qui n'est pas facile à se procurer, on peut utiliser
des baguettes de différents troncs. De même il est fort judicieux
de préparer toujours plus que les 12 baguettes necéssaires afin
de pouvoir remplacer en cours de construction une baguette qui viendrait à
être malencontreusement abîmée en cours de construction,
et de les garder les plus longues possibles pour pouvoir les décaler
vers le haut ou vers le bas en cas d' esquille malencontreuse lors de la taille
définitive.Lorsque vos baguettes
sont tiercées, il faut les marquer de façon indélébile,
sur la section supérieure, par exemple, qui ne sera jamais éliminée
lors des étapes suivantes de taille.
Une autre technique de tierçage consiste à décaler successivement
les baguettes tirées d'un même tronc,ce qui fait que sur la canne
assemblée, les noeuds se trouvent en spirale.Ce procédé
permet un réglage plus fin de la répartition des noeuds tout au
long de l'élement, mais demande à disposer de baguettes plus longues
dont une partie sera éliminée en fin de réglage.
Avant de passer au premier dégrossissage, qui est la mise au triangle
des baguettes, il est utile que l'une des faces , hors l'écorce et le
côté opposé, soit bien perpendiculaire par rapport aux autres.Ceci
peut se faire facilement à la lime ou avec une râpe fine (de luthier
par exemple).
Le dégrossissage des baguettes
Les baguettes dressées et droites de fil vont être amenées par des opérations successives de la section rectangulaire à celle d'un triangle équilatéral. Le côté de l'écorce, qui possède les fibres les plus denses et les plus dures ne doit jamais être touché !
On utilise un gabarit qui peut être en bois
ou en métal et d'une longueur de 0,70 à 1 mètre. Il en
existe plusieurs types.
LE GABARIT DE GARRISON
On notera l'angle de 57° et non de 60°. C'est le côté de l'écorce qui sera appuyé sur la face inclinée à 30°. L'avantage de ce procédé est d'être simple et rien n'empêche de le rendre réglable par des vis écartant ou rapprochant les deux réglettes.Il faut bien maintenir la baguette appuyée au fond de la gorge et que la face appliquée soit bien plane.Il n'est pas facile à fabriquer pour un amateur. On peut y parvenir en utilisant une scie inclinable. En simple bois blanc, il peut être plaqué avec du formica pour que le rabot glisse facilement.Ce gabarit ne permet d'obtenir que le premier angle à 60°.
GABARIT DE JORGENSEN
Il a pour avantage d'être réglable en largeur, mais non en profondeur.Un amateur éclairé peut le réaliser plus facilement que celui de Garrison, car la valeur d'angle est toujours la même.Mais il présuppose que les baguettes aient toujours la même largeur, puisque la profondeur du gabarit n'est pas réglable
.
Une petite jauge bien utile pour controler l'exactitude des angles à 60° des ébauches triangulaires
LE GABARIT A ENCOCHES
Presenté dans le livre de J-P.Péquegnot : " l'art de la pêche à la mouche sèche", ce gabarit a pour lui sa simplicité et sa fiabilité. Il ne permet toutefois d'acceuillir qu'une seule taille de baguette, sauf si on répète les encoches sur deux ou quatre faces d'un bloc de bois ou de métal de section carrée, encoches qui seront faites de largeurs et de profondeurs différentes.
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Dégrossissage
des baguettes dans le gabarit
La baguette est d'abord installée en (A) pour obtenir une première face bien nette, laquelle face"a" servira de base d'appui dans le fond de l'encoche (B) (encoche E pour le gabarit de Jorgensen) afin d'obtenir le premier angle,délimité par une face "b", elle même servant de base d'appui dans la dernière encoche C.
La
troisième face
Il s'agit de la troisième face du triangle équilatéral, celle à laquelle on ne doit pas toucher : la face de l'écorce. Elle doit à priori rester intacte, mais pose un problème, car elle n'est pas plane.Comme elle provient d'un tronc circulaire,elle présente "un bombement" par rapport à la section triangulaire.
Doit-on la le supprimer, au risque d'attaquer la meilleure partie de l'émail ?
Oui, car ne pas le faire, c'est ne pas avoir une face d'appui stable dans la
gorge du gabarit de finition, ou même dans les encoches de dégrossissage.
Et c'est aussi tricher avec le profil réel.
Il est donc utile de "gratter" la face de l'écorce, sinon en
totalité, du moins pour rattraper une partie du bombement et avoir une
bonne face d'appui.
Cette opération peut être partielle,
car on ne doit pas oublier que la taille définitive se fait sur les angles
qui délimittent cette face de l'écorce. Il n'est donc utile d'aplatir
ce bombement que sur ce qui correspond à la largeur de la face une fois
le brin taillé.
Le croquis momtre, pris dans le tronc, le premier triangle obtenu après
le dégrossissage, tel qu'il s'intègre au tronc de bambou. A l'intérieur
de ce triangle ABC on voit un exemple du triangle final abc, qui montre qu'après
obtention des ébauches triangulaires, il n'est pas nécessaire
d'abattre (d'aplanir) en totalité le bombement qui apparait entre B et
C.D'autre part ce grattage ne s'attaque d'abord qu'à la cuticule amorphe
qui recouvre l'émail dur du bambou. Il peut se pratiquer à l'aide
d'une lame plate ou d'un grattoir de menuiserie du commerce.
Les ébauches triangulaires
Après tout ce travail de dégrossissage les baguettes sont devenues des ébauches triangulaires isocèles à 60°. Il faut maintenant les tremper et éventuellement les imprégner. Le sac de copeaux qui vous reste est le témoin de votre travail. La canne commence à se dessiner et le rêve se rapproche!